Accéder au contenu principal

Interstitiels du spectre politique


Imprécateurs, témoins et boulets

Le spectre politique français qui se lève à l'aube de l'élection présidentielle est fait de cinq couleurs disposées en cercle. Chacune a son champion sauf une qui le cherche encore. On trouve ainsi dans l'ordre d'apparition en scène, l'extrême-gauche, la Gauche de gouvernement, le Centre d'appoint, la Droite de gouvernement, l'extrême-droite. Mais ceux qui nous intéressent aujourd'hui sont les interstitiels, ceux qui se glissent entre ses cinq groupes. Ci-dessous nous donnons le spectre de l'élection présidentielle de 2012 avec le premier parti de France, celui des indifférents ou hostiles au suffrage universel (29%).


On peut classer ces surnuméraires du concours en trois catégories, les témoins [T], les imprécateurs [I] et les boulets [B]. On ne doit pas se moquer des deux premiers quand on sait la dépense d'énergie et d'argent provoquée par une campagne marginale sous-financée. En général, cela se termine par un divorce ou plus si affinités. On a le droit d'éreinter les derniers :)

[B] Dans la famille des Interstitiels, j'appelle donc les boulets :

Michèle Alliot-Marie
La Droite en donne deux, Henri Guaino et Michèle Alliot-Marie. N'ayant pas voulu valoriser leur propre orientation politique à la Primaire de la Droite et du Centre comme l'ont fait très courageusement Jean-Frédéric Poisson et Nathalie Kosciusco-Morizet, ils se mettent à courir en dehors des lices au motif de l'esprit indépassable des institutions mais surtout pour qu'on les voit mieux dans le paysage médiatique. M. Guaino, porte-plume du président Sarkozy - Ah ! quel grand moment de lucidité que le discours de Dakar - rachète le catalogue périmé de Marie-France Garaud que l'Opinion ne lit plus. Mme Alliot-Marie, archétype politique du bouche-trou chic, se décide à faire quelque chose pour son camp lorsque tout est fini ! Ils sont invités sur les plateaux pour étaler un pouvoir de nuisance qui fera du chiffre en audience. On est dans la formule "match" que prisent radios et télés à cette époque.

La Gauche a le sien : pour l'instant seul Bastien Faudot du MRC de Jean-Pierre Chevènement revient grapiller quelques dixièmes qui manqueront bien sûr au moins mauvais des socialistes comme en 2002. Mais il va en surgir un ou deux autres qui se placeront dans les postes d'opposition à créer.

Curieusement l'extrème-droite a aussi le sien : Henry de Lesquen, candidat raciste (ou racialiste) assumé et satrape inamovible de Radio-Courtoisie. Il vient de remporter le prix de l'Âne du Roi 2016. Le FN a la chance de l'avoir dégoutté mais il peut agglutiner sur son nom quelques voix que le système Philippot a su éradiquer au motif de la dédiabolisation, si tant est qu'il franchisse le barrage des cinq cents parrainnages. Mais il présente très bien, le salaud ; c'est à ça qu'on les reconnaît.

[T] Nous arrivons aux témoins :

Rama Yade
Ceux-là ne visent que la campagne officielle de mars-avril 2017 profitant d'une certaine exposition médiatique pour proclamer leur vérité à quelques téléspectateurs qui ne zappent pas mais sont de moins en moins nombreux. Ces gens ont la foi chevillée au cœur et sont respectables dans cette démarche de propagande de convictions intimes qui le plus souvent s'échoue sur l'écueil des Cinq-cents. Dans cette catégorie nous rangeons le candidat de l'Alliance Royale, Robert de Prévoisin, dont la plateforme politique a souvent été présentée sur Royal-Artillerie. François Asselineau de l'Union populaire républicaine est porté par un retour au CNR de 1945 qui a soviétisé le pays et ne veut ni de l'UE ni de l'OTAN qui n'existaient pas alors. Rama Yade, transfuge du Parti radical valoisien qui a un besoin inassouvi de tréteaux, se débrouille pas si mal avec peu de moyens et beaucoup de culot en brandissant une petite dizaine de slogans. A la fin, c'est le programme de l'Alliance Royale qui se rapprocherait le plus des solutions caressées par le Piéton du Roi (cf. le site AR en note de bas de page). Si la déclaration de candidature de Robert de Prévoisin précipite, nous lui consacrerons un article complet comme nous l'avons fait pour ses prédécesseurs.

C'est dans cette catégorie [T] que se rangent les deux concurrents révolutionnaires, le Nouveau Parti anticapitaliste avec Philippe Poutou et Lutte Ouvrière avec Nathalie Artaud, qui cherchent l'un et l'autre à amasser des voix aux élections législatives pour bénéficier des lois de financement des partis politiques, l'Etat rémunérant chaque voix obtenue. Or l'analyse montre que le score est meilleur quand le parti s'est exposé publiquement à la présidentielle comme un tour de chauffe. Mais il leur faut toujours franchir le barrage des Cinq-cents.

[I] Viennent enfin les imprécateurs :

Didier Tauzin
Ceux-ci ne peuvent vivre en paix avec ce qu'ils ont sur le cœur. Ils manifestent un amour total de leur pays et de ses habitants. Ils ont beaucoup d'idées, ils luttent contre le Système qui s'en méfie, car ils ne peuvent être découragés. La barrière des Cinq-cents est faite pour eux, les purs. Nous en avons quatre cette fois-ci :

Nicolas Dupont-Aignan a le vent en poupe après de bons résultats aux Régionales mais c'est un supplétif des Républicains qui en serait resté à l'Appel de Cochin et qui sans eux n'aurait pu percer ; il lui sera difficile de contester le fils spirituel de Philippe Séguin surtout avec des idées à l'emporte-pièce. Jean Lassalle est le seul homme politique qui marche à pied. Toutes ses convictions sont enfermées dans son bâton de pèlerin, c'est un Béarnais de contact facile aux démarches inlassables surtout quand on les dit vouées à l'échec. Jacques Cheminade est un autre convaincu de longue date. Il n'est pas l'illuminé que certains présentent, mais un homme instruit (HEC, ENA) qui a fait ses classes à l'international. On le dit agent de l'organisation de Lyndon LaRouche. Il a sa fiche au FBI. Inclassable, il faut lire la notice Wikipedia. Le général Didier Tauzin est le plus récent : faute de participation du candidat royaliste, ce serait le candidat acceptable. A l'exception de sa position sur l'OTAN, sa vision de la France de demain conviendrait ici.

Mais où sont passés les écologistes ?

Yannick Jadot
Il faut dire que la cause écologiste a été particulièrement martyrisée par les fouetteuses à cul nu que furent le juge Eva Joly, Cécile Duflot et Emmanuelle Cosse. Dur de relever le mouvement quand il a versé au fossé des prébendes juteuses et caprices de stars comme ce François de Rugy qui vient faire le beau à la primaire socialiste. Démarqué du colonel Placé et de l'irrésistible Pompili, Yannick Jadot n'en a que plus de mérite. Au stade de décomposition avancée où se liquéfie le Parti socialiste, il serait fou d'aller mourir à La Belle Alliance. Son témoignage sera précieux hors-rang car il connaît à fond son sujet - ses interventions au parlement européen sont pertinentes (clic) - mais nous le classerons dans la rubrique [T] parce que le parti EELV a perdu de la substance depuis que la grande écologie a pénétré les partis de gouvernement. La COP21 a définitivement extrait le souci environnemental de la niche où certains le cultivaient entre soi, d'où le retrait de figures historiques comme Daniel Cohn-Bendit, Noël Mamère, José Bové, Dominique Voynet ou Alain Lipietz, atteints d'ailleurs par la limite d'âge utile.


poisson d'avril 2017


Ces candidats interstitiels - il y en a quelques autres sur lesquels le matériau d'analyse est rare - tous sont l'expression (ou le résidu) d'une vie démocratique en France. Les grosses écuries sont dans le déni des institutions qui mettaient un homme face à la nation dans une posture monarchique. Elles ont phagocyté le protocole en renchérissant le prix de la propagande, arrachant toute possibilité de concourir à ceux qui n'avaient que leurs idées et quelques amis. Il faut aujourd'hui être riche ou subventionné. Le Fric est au départ de la course et se retrouve à la fin dans le wagon des récompenses, même s'il est très convenu de l'insulter entre-temps.

Nous listons ci-dessous les liens nécessaires pour accéder aux programmes électoraux des interstitiels que chacun pourra consulter par curiosité, souvent intéressants. Aucun d'eux ne sera appliqué parce que le régime inique qui préside au renouvellement naturel de la classe politique se défend très bien contre les intrus à la caste, jamais en défaut de subterfuges ou de fabrications. Si traversaient le barrage quelques dangereux contempteurs, la loi de barrage serait immédiatement rehaussée pour que la prochaine fois tout espoir de substitution soit découragé.



share

Commentaires

  1. Cet exercice de recensement des petits candidats n’est pas sans intérêt et permet au moins de les connaître. S’ils parviennent à obtenir les parrainages, la plupart d’entre eux n’atteindra sans doute pas 1 % des suffrages au 1er tour. A quoi donc cela sert-il ?

    Je pense que ces candidatures sont surtout à examiner sous l’angle de la psychologie des candidats. Ils sont sans doute tous affligés d’un narcissisme démesuré ; ce sont sans doute aussi de doux rêveurs ; la plupart sont des recalés du système auquel ils ont appartenu.

    De manière plus prosaïque, une candidature à l’élection présidentielle permet de compléter son CV sur Wikipédia.

    Sur le fond, les différents programmes présentent des propositions parfois intéressantes. Mais cela révèle en fait le besoin de participation des citoyens aux propositions politiques avant les élections et non seulement au scrutin.

    Or, l’élaboration des programmes est verrouillé par les partis.

    Il faudrait donc pouvoir imposer des cahiers de doléances citoyens permettant à tous les Français qui le désirent soit de valider une liste de doléances sur des sujets essentiels pour notre pays soit d'en proposer également.

    Cela pourrait permettre au commun des mortels de nourrir le débat public mais je doute fort que le Pouvoir et les partis l’entendent de cette oreille.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne pourrai dire mieux. Les partis politiques sont les nouveaux ducs de la République. Merci de votre commentaire.

      Supprimer

Enregistrer un commentaire

Modération a priori. On peut utiliser dans la rédaction du commentaire les balises "a", "b" et "i" pour formater son texte.